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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

que je poussasse si loin l’amour paternel. « Vous êtes bien poli pour les grands-pères ! a-t-on jamais vu un si mauvais goût d’aimer les morts ou les vieilles gens ? êtes-vous comme la matrone d’Éphèse ? ce genre de folie ne prendra point dans notre siècle. — Ah ! Manette ! tu me condamnes injustement ; cette momie est mon bonheur ; en soufflant à son derrière, j’éprouve des plaisirs aussi ravissants que ceux que je goûte dans tes bras, c’est la couronne dont le dieu Xenoti a récompensé les vertus et la bienfaisance de mon respectable aïeul. » Ce discours piqua la curiosité de ma maîtresse ; elle me pria de la faire participer aux plaisirs que je goûtais avec mon grand-père. « Il n’est pas possible, ma chère, que je satisfasse tes désirs, mon grand-père ne peut accorder cette faveur devant un tiers. Les dieux ont des fantaisies comme les hommes. »

Ma maîtresse ne discontinuait plus de parler de la momie, elle s’intéressait déjà vivement au bonhomme. « Voilà Manette qui parle, disais-je en moi-même, mon grand-père parlera bientôt. » La momie, qu’elle avait trouvée effroyable, ne lui paraissait plus telle, elle l’examinait à chaque instant, elle brûlait de voir les belles choses de mon grand-père, cependant quand elle examinait de près son derrière, cet objet rafraîchissait ses désirs.

Manette était paresseuse comme le sont toutes les filles du monde. Je me levais ordinairement de bonne heure, je passais dans une chambre voisine pour étudier : comme j’étais à mon travail, Manette