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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

que le soir ses rayons courbés annonçaient le retour de la nuit ; mon travail est l’aiguille d’un cadran qui trace sur mes sillons le temps où je vais te revoir ; j’avance, je découvre notre demeure, et je t’ai déjà vue ; j’arrive, tes bras sont ouverts ; Zéphyre, que nous sommes heureux !

Sur un simple tréteau tu as posé la soupe que tes mains appétissantes ont apprêtée ; nous bénissons le ciel de notre riche médiocrité et de notre amour, le plus grand de ses bienfaits ; tes charmes assaisonnent les mets que tu me présentes ; c’est pour nous aimer davantage que nous prenons cette salutaire nourriture. Le soleil est arrivé au pied du tréteau, c’est le moment qui me rappelle au travail. Je pars, je suis triste, mes derniers regards restent sur toi, je ne puis prononcer qu’à ce soir.

Le soleil change chaque jour le moment de son coucher, ton impatience compte les minutes ; tu te trompes toujours, et c’est pour me rejoindre plus tôt. Je crois voir ses derniers rayons te ramener à mon champ. De loin j’ai déjà vu une ombre descendre de la colline ; je suis ému, je veux m’appuyer sur ma bêche pour mieux fixer l’objet, m’assurer si c’est toi : tu approches, je te reconnais, ma bêche tombe, mon travail est fini, mes bras fatigués s’ouvrent encore, mais c’est pour les délasser en les entrelaçant dans les tiens. Je reviens avec toi, nous marchons lentement ; pourquoi cette lenteur, Zéphyre ? ne souperons-nous point ensemble ? ne serai-je point toujours avec toi ?