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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

dis-je, mon cher, tu n’es précieux à mon estime qu’à cause de ton caractère vrai. Les préjugés sont ici méprisés : ce que les sots appellent faiblesse est la nature ; et ce qu’on nomme putain, est une fille qui obéit plus particulièrement à son instinct. Crois-moi, toutes les femmes sont obéissantes à cette voix. Tu peux me croire, je suis femme. »

Lucrèce, instruite de sa naissance, nous en marqua sa joie par les transports les plus vifs. La mémoire d’Ariste fit couler nos pleurs. « Que n’est-il encore, disions-nous, cet homme si digne de l’humanité ! Ah ! mes enfants, conservons toujours son esprit, imitons sa bonté, c’est par le cœur que nous lui ressemblerons. »

Le comte et Xan-Xung étaient devenus amis, leur conversation faisait nos plaisirs ; le dernier gâtait les meilleures choses par le ridicule, le comique et les ornements grotesques dont il les décorait ; son imagination vicieuse, pétulante, ses inattentions continuelles et ses idées originales, nous le rendaient pourtant supportable. Lucrèce, curieuse de savoir ce que son amant avait fait pendant son absence, lui demanda s’il avait été aussi constant pour elle qu’elle l’avait été pour lui. — « Non, ma chère Lucrèce, j’étais homme ; tu sais ce que dit Amélie : « Qui dit un homme, dit un fou. » La supériorité de ton sexe consiste à connaître cette vérité. Te croyant perdue, je devins sensible aux attraits d’une personne digne des dieux ; je l’épousai, je la porte encore dans mon cœur ; il n’y a que toi, ma

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