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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

amoureux de Lucrèce ; il vint lui dire d’un air alarmé, que je venais d’enlever une de ses parentes ; il peignait cette action avec des couleurs si noires, exagérait si fortement les reproches que sa famille lui faisait de ma connaissance que Lucrèce le crut ; le malheureux ne recueillit point le fruit de sa trahison. Mon amante quitta Paris et vint se mettre à votre service.

Instruit des noirceurs de mon coupable ami, j’en tirai vengeance ; mais quelle faible satisfaction ! je n’avais plus mon amante. Je m’informai ; j’écrivis partout ; je ne puis rien savoir et j’ignorerais encore où elle est, si votre bonté ne m’avait procuré le plaisir de la retrouver.

J’avais écouté attentivement les petites aventures de Lucrèce. Le nom de Châteaubriand m’inquiétait ; je priai le comte de Saint-Albin de chercher le registre de nos enfants ; nous trouvâmes qu’Ariste en avait envoyé un dans cette ville ; je demandai à l’historien de ma femme de chambre s’il connaissait à Châteaubriand un gentilhomme nommé Kerkerland. — « Oui, me dit-il, madame, c’est le père de Lucrèce ; il n’a que cette demoiselle. » Ô Ciel ! Lucrèce est ma fille ! Ariste l’a confiée à son ami Kerkerland. — « Madame, dit Xan-Xung, je vous demande mille pardons du récit sincère que j’ai fait de mes amours ; si j’avais connu l’état de Lucrèce, j’aurais ménagé davantage les expressions ; mon malheureux goût pour la vérité sera toujours le malheur de ma vie. » — « Non, lui