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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

celui que j’aime. » Le ton dont elle prononça ces paroles, fit connaître au militaire qu’il n’y avait rien à espérer ; il la quitta. J’avançai précipitamment le long de la haie pour me trouver en face de ma maîtresse, qui fut surprise agréablement de me voir ; elle allait me raconter son colloque avec l’officier, lorsque je lui dis : « J’ai tout entendu, ma chère Lucrèce, tu as rempli mon âme de cette heureuse certitude qui fait son bonheur ; je connaissais ton cœur, il n’avait qu’un langage, c’est celui de la vérité. »

Les dragons partirent ; le curé, pour rebénir sa paroisse et remercier le Ciel de leur départ, fit une procession où l’on eut tous les malheurs possibles. Cette fête partit à sept heures du matin pour aller dans un village à deux lieues de Châteaubriand, chanter une messe à Sainte-Anne. À quelques pas du village, les polissons qui sont toujours à la tête des processions, où ils prennent le haut pavé, députèrent six de leur corps pour sonner les cloches ; du premier branle, ils en cassèrent deux. Après le service, l’on déjeuna ; comme l’on faisait force omelettes, le feu prit dans la poële, de là dans la cheminée, et consuma le cabaret. En retournant, la procession passa sur un vieux pont de bois. Le pont chargé de tant de monde, rompit, la procession tomba dans la rivière.

À une lieue de Châteaubriand, cette fête fut rencontrée par celle d’un village voisin qui avait aussi eu des dragons. Les deux processions réunies marchè-