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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

comment méconnaître une mère ? » M. Pierrot répondait par monosyllabes, ne savait ce qu’il disait, tant il était accablé de honte. Il fut contraint de boire ce calice amer jusqu’à la lie ; il s’approcha froidement de sa mère, lui demanda des nouvelles de son père. « Il se porte bien, répondit cette femme ; votre oncle Berlingot, sonneur de la paroisse, a été mal, mais il va mieux ; le cousin Fiacre Plat-d’Beur a épousé la fille de la grosse Margot Lariguette ; elle était suivante chez le curé, la famille n’est pas contente de ce mariage ; on dit que Margot servait de réchaud au pasteur ; cela n’est point trop honnête pour une brave fille ». La mère, voyant le gentilhomme, son fils, s’écarter un peu, lui dit : « Croyez-vous, Pierrot, vous distinguer en affectant un air froid, rougissez-vous d’être mon fils ? hélas, pauvre aveuglé, vous vouliez vous en faire accroire, cette rencontre vous démonte, allez, vous n’avez point assez d’esprit, Paris est trop près de Saint-Quentin ; il faut être né dans un méchant village au fond de la Gascogne, pour faire le gros hère ; va, tu n’es qu’un sot, Pierrot ! » Cette épigramme enchanta la compagnie.

On se mit à table ; toute la maison de Berlingot parut neuve, elle ne savait de quel bout prendre les fourchettes. Cet air gauche démonta mon mari ; la conversation roula sur les habits ; Pierrot parla avec feu de l’élégance du sien ; sa mère le contraria et lui dit qu’elle ne le trouvait pas si biau que l’habit vert qu’il avait porté à Saint-Quentin : « Ah ! mes-