Page:Dulaurens - Imirce, ou la Fille de la nature, 1922.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
171
IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

fils Pierrot : — Vous êtes donc, lui dit ma bonne amie, la mère de M. Berlingoville ? — Oui, madame, j’ai l’honneur d’être la propre mère de Pierrot Berlingot. Comment notre fils a-t-il allongé son nom ? Cela n’est point honnête, il ne faut jamais trahir les noms de ses père et mère. »

Mme La Tour était de ces femmes qui s’amusent de tout ; elle fit cent questions à ma belle-mère : « Cette jeune personne, lui dit-elle, en lui montrant ma belle-sœur, est-elle mariée ? — Non madame. — Comment, une grande fille comme elle ? — Il est encore assez de bonne heure, il faut trouver des marieux ; les garçons sont à la guerre, les filles restent là ; elle sont cinquante filles dans notre paroisse, elles n’ont que deux pauvres petits amoureux ; est-ce là de quoi les contenter ? — Aimeriez-vous à être mariée, dit Mme La Tour à ma belle-sœur ? — Belle demande ! oui-dà, pourvu que je trouve un garçon qui porte bien son bois[1]. — Ce grand garçon, dit Mme La Tour, est-il marié ? — Ah ! madame, répondit la bonne femme, on ne marie pas les enfants ; ce serait faire comme Hérode, égorger les innocents. — Quel âge a-t-il ? — Vingt-cinq ans. » Mme La Tour demanda à l’innocent s’il voulait être marié. — « Hé voir sans doute, je ferions ça aussi proprement qu’un autre. » Cette réponse fit rire ma bonne amie, qui se détourna, crainte d’éclater.

  1. Expression picarde qui veut dire un garçon bien hanché, droit et dru.