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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

trouver ; le Ténare, ou plutôt la chaste Minerve, a rendu mes efforts inutiles ; il a fallu sans doute toute la puissance des dieux pour produire une chute aussi éclatante ; ah ! déesse, reprends ta vertu et laisse-moi mes plaisirs. »

Après cette tirade poétique, je demandai à l’auteur s’il avait dîné ; il détourna d’abord la question et m’avoua enfin qu’il n’avait pas mangé depuis deux jours. « Eh ! ne criez donc pas tant contre les dieux ; dans les combats de l’amour, les estomacs à jeun ne réussissent pas. » Je fis apporter à dîner, je donnai ma table au poète, et dès qu’il eut pris de bonnes nourritures il fut un hercule.

Je fis la conquête de la Toison d’or par la connaissance d’un fermier général. Une pourvoyeuse me présenta au publicain ; il prit feu en me voyant. « Maman, dit-il à son intendante, cette fille est de mon goût ; mademoiselle, je vous prends à bail, comme les fermes du Roi. » Le Crésus me fit monter dans sa voiture, me conduisit dans une petite maison agréable ; nous soupâmes voluptueusement ; le lendemain, il me combla de présents, de bijoux, j’eus un équipage galant, des laquais et une maison parfaitement montée.

J’ignorais encore l’être de mon nouvel amant ; je ne pouvais comprendre comment un homme était assez sot de faire tant de dépenses pour une chose dont je n’avais jamais fait de cas ; je demandai à mon laquais si cet homme n’était pas l’empereur des Turcs. « Non, madame, il n’est ni Turc ni