Page:Dulaurens - Imirce, ou la Fille de la nature, 1922.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

colère ; enfin, après un quart d’heure et mille Jacques répétés, elle me dit que son fils Jacques était mon maître de danse. « Non, madame, lui dis-je alors ; je ne veux pas me marier, surtout avec votre fils Jacques ; sa fatuité m’excède. — Ah ! madame, il ne faut pas mépriser notre famille ; savez-vous que j’ai un cousin frère récollet[1] ; c’est mon cousin germain, enfant de père et mère. — Non, ma bonne, je ne vous méprise pas, je ne veux point me marier. — J’espère que le Ciel vous touchera : notre homme a déjà commencé une neuvaine à Notre-Dame de la Treille et demain je ferai dire, s’il plaît à Dieu, une messe à M. saint Antoine. — Ah ! gardez-vous en bien, mille saints Antoine ne me forceraient point au mariage. — Ah ! me dit-elle en s’en allant, les saints sont plus forts que les hommes ! »

Le lendemain je m’expliquai sérieusement à mon maître de danse ; je lui défendis d’envoyer de pareilles ambassades, que je ne voulais pas me marier, que sa bêtise me le rendait haïssable. « Madame, ne vous fâchez point, le cœur vous changera. — Non assurément, mon cœur s’en gardera. » Il me donna leçon ; l’après-midi mon hôtesse vint m’annoncer avec un air extasié la visite du provincial des Récollets, et du frère Luc, le cousin à MM. Tirefort ; ces figures m’ennuyèrent pendant

  1. Le peuple en Flandre aime beaucoup les moines ; un cousin frère cuisinier, un portier dans un couvent, illustre une famille, et rehausse une maison.