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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

lui donnai des soins inexprimables ; de tous mes amants, c’est celui que j’ai le plus aimé. Malgré mes soins, le major mourut ; au lit de la mort, il me dit : « Ma chère Babet, je veux vous donner des conseils ; vous êtes jolie, vous êtes jeune, vous pouvez tomber en de mauvaises mains, et, sans expérience, être dupe de votre bon cœur. Votre caractère, aisé à connaître, est un fonds de bonté, de complaisance et de sensibilité, qui ne vous permet point de refuser personne ; vous proposer de prendre actuellement un mari, le mariage n’est point une chaîne assez forte pour retenir la violence de votre tempérament ; il faut que la nature ait son cours, que l’âge mûrisse votre cœur. Je vous conseille de vous placer à la comédie : les tracasseries du théâtre, la multitude des amants vous excéderont ; ce n’est que par l’excès que vous apprendrez à roidir votre cœur ; voilà une bourse de deux cents louis, une montre d’or et deux diamants ; c’est tout mon bien, je vous le donne. »

J’embrassai, les yeux mouillés, mon bienfaiteur ; je refusai les présents, il me força de les prendre. Ce bon militaire ôta son bonnet ; levant les mains au ciel, il fit cette prière : « Ô toi ! qui es tout ce qui n’est point matière, être pour qui mon cœur a toujours été rempli du plus profond respect, tu m’as fait, je ne cherche point à pénétrer les raisons qui t’ont porté à former des créatures qui sentent, que tu as rendues capables de te connaître, et que tu prives après de l’existence. Ma longue carrière est