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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

passés » ; malgré son vœu, et peut-être l’image de l’ex-voto qu’il aurait fait peindre, il ne put rien, exactement rien. Pour pallier son impuissance, il me promit des merveilles pour le lendemain ; il se prépara la veille par des restaurants, le matin par trois tasses de chocolat ; à quatre heures après-midi, moment de l’exécution, il fallut monter sur le lit de douleur.

Mon athlète fit de grands efforts, et ne fit rien ; il me berça d’histoires et de contes d’aiguillettes[1] : c’était un bon Flamand ; il croyait encore aux sorciers, et à bien d’autres choses ; son impuissance m’indisposa. Les femmes, par une fureur inconcevable de parler, disent que la bagatelle n’est pas ce qui les occupe ; à les croire, elles préfèrent la sagesse et la tranquillité d’un amant ; les femmes mentent ; mon vieillard était sage et tranquille, me faisait du bien, je le haïssais, cette froideur était le langage de la nature.

J’étais comme Suzanne, tentée par les vieillards. Un vieux major de la citadelle de Lille s’amouracha de moi ; il était Français, me parla avec tant d’amitié et de bon sens, qu’il gagna mon cœur ; je le suivis à Lille, où un rhume dangereux l’obligea de se mettre au lit. Il fut six semaines malade, je

  1. Le secret de nouer l’aiguillette, dont les anciens ont fait tant de bruit, était, dit-on, très naturel ; on s’arrangeait avec le tailleur qui faisait les habits de noces de celui qu’on voulait plaisanter ; on mettait du camphre le long de la ceinture de la culotte entre l’étoffe et la doublure. Cette gomme produisait l’impuissance : credat judœus.