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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

me noter d’infamie et fit défendre ma maison aux étudiants. Je fus surprise que les prêtres de Louvain mettaient ainsi mes charmes à l’index. Je croyais qu’il n’était pas permis d’afficher et de déshonorer publiquement son prochain ; je ne connaissais pas les privilèges de l’Université de Louvain.

Quelques mois après, j’entendis le canon et le son des trompettes ; je me mis à la fenêtre, je vis passer un triomphe de collège ; je fus singulièrement étonnée quand je vis que ce charivari se faisait pour M. Van der Gromac ; il jeta les yeux sur moi, m’honora d’un grand signe de croix. Je demandai à mon hôtesse, que signifiait ce carnaval. « C’est la cérémonie du premier de Louvain. M. Van der Gromac a mérité ces honneurs, à cause de son grand esprit[1] ».

Dupéronville revint de campagne ; à peine fut-il au faubourg de Louvain qu’il fut informé de ma conduite éclatante ; il vint me la reprocher, et m’abandonna le même instant. Ce caprice était original, le chevalier avait tort, pourquoi laissait-il une jeune personne à elle-même ? Il connaissait

  1. L’Université de Louvain, où l’on enseigne encore la mauvaise logique d’Aristote, donne tous les ans quelques misérables questions à expliquer à des écoliers choisis dans ses collèges. Celui qui fait le mieux sa tâche est le premier. On le promène dans les rues comme le bœuf gras ; il est précédé de trompettes et de timbales et d’une cavalcade d’écoliers embellie de romarins. On le conduit ainsi dans la ville de sa naissance, suivi de six benêts de professeurs, que l’envie de boire et de manger conduit à sa suite ; on le reçoit au bruit du canon ; la ville lui fait présent d’un surtout de vermeil, sa maison est illuminée