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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

miennes ; et pour dégeler plutôt la totalité de mon amoureux, j’en posai une sur la gorge ; il la retira subitement, fit un signe de croix, ôta son chapeau, se mit à genoux, et récita tout haut une oraison à son ange gardien. Cette simplicité me fit rire, je ne pensais pas qu’il devait tant intéresser son bon ange pour avoir effleuré si légèrement une belle gorge. Voulant le tranquilliser sur le chapitre de son ange gardien, je lui dis que ces petites misères n’étaient point des crimes ; il ne voulut point m’entendre, il courut tremper ses mains dans l’eau bénite.

Ce nigaud fut remplacé heureusement par un jeune employé. Du premier coup d’œil, il vit que j’étais une fille du monde ; un soir il m’aborda, et me dit d’un ton respectueux : « Une femme de condition, madame, doit bien s’ennuyer dans un pays latin ; quel séjour ! pour dissiper les inquiétudes que donne un mari au service, je serais flatté de vous faire ma cour. » Je voulus soutenir la grandeur que sa malice m’avait prodiguée, le drôle m’avait tendu le piège avec trop d’adresse pour que je ne fusse pas prise. Sans me fatiguer en compliments, je le fis monter chez moi ; il ne tarda point à devenir entreprenant ; je ne fis point d’efforts, j’ai l’âme bonne, je ne sonnai pas, je n’appelai point mes femmes ; « ces finissez donc… l’honneur… comment ! vous êtes dangereux…, pour qui me prenez-vous, une femme de ma condition… » j’aurais pu articuler ces phrases, les préliminaires me parurent inutiles ; il y a trop de vide dans ce verbiage ; on