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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

êtes trop généreux, trop galants pour refuser votre derrière à une princesse infortunée ». Après beaucoup de plaisanteries, le chevalier me présenta à ses amis, ils furent éblouis de ma figure. J’avais un négligé couleur de rose, garni de blondes, il m’allait à merveille.

Ces messieurs firent des compliments à Dupéronville sur sa conquête, me dirent mille jolies choses, et avaient bien envie de m’en faire, si j’avais été disposée à les recevoir. Le souper se passa gaîment, j’eus toute la table plus d’esprit qu’à mon ordinaire ; quand une femme a de la figure, elle n’a pas besoin d’un grand génie pour plaire aux hommes. Nous restâmes dix jours à Bruxelles. Dupéronville me mena à l’armée où j’arrivai habillée en homme.

Je m’amusai au camp, rien ne nous manquait ; notre armée était à croquer, les officiers étaient charmants, ils raisonnaient profondément sur la friture en aile de pigeon, le crêpé et les filles de la Montigny. Ils étaient partis dans le dessein d’aller déjeuner en Prusse : à peine furent-ils arrivés à Gueldres, à Clèves, qu’ils demandaient où était la porte de Berlin. Cette fantaisie d’aller déjeuner si loin leur a duré cinq à six ans, et, depuis, cette envie leur a passé.

Nous avions, à l’armée, tous les secours qui mènent à la gloire et à la vertu. Les livres ne nous manquaient point ; mon amant avait une bibliothèque choisie, nous puisions dans les bonnes