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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

Deux officiers de la connaissance du chevalier s’étaient avancés aux huées de la populace ; ils reconnurent leur ami : « Ah ! bonjour, notre cher ! sois le bien arrivé ! tes malheurs découvrent tes bonnes fortunes. » Dupéronville fut désespéré de cette rencontre : mes souliers plats et mon petit jupon mince occasionnèrent mille impertinences, que ces messieurs débitèrent avec la volubilité d’un gascon. « Il nous paraît, chevalier, que tu n’es pas tracassier sur la chaussure, voilà qui est élégant… Ta nymphe est de bon acabit, tu trouves les bonnes fortunes sur les grands chemins, comme les pierres… Fais-nous voir ton adorable ! » Dupéronville, distrait par les ordres qu’il donnait, ou peut-être encore étourdi de l’aventure, n’écoutait pas leurs propos. Comme il retournait à l’auberge, un des officiers prit mon petit jupon au bout de sa canne et criait dans la rue : « Chevalier, voilà le jupon de ta belle ! garde-toi de le chiffonner, plie cela proprement… tu donnes furieusement dans les décorations ! »

Ces messieurs vinrent à l’auberge, voulurent me voir ; mon amant m’avait enfermée dans une chambre. Il s’opposa à leurs efforts, ils recommencèrent leurs plaisanteries. « Comment, mon cher, tu priveras cruellement nos yeux du spectacle de ta belle ? — Riez, messieurs, donnez carrière à votre belle imagination, vous êtes des crânes, vous persiflez, vous vexez les gens sans savoir comment ni pourquoi, si vous connaissiez la dame… — Ah !