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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

lanterne magique, nous laissa le loisir de satisfaire à l’aise notre passion, et dans le moment que le Savoyard criait dans son baragouin : « Eh, voyez-vous le roi Salomon avec son nez à pain de sucre, et ses cheveux couleur de poil de carotte ! » Dans ce moment, dis-je, je perdis mon pucelage. Jamais fille ne le perdit avec tant de plaisir. L’officier enchanté admirait mon industrie.

Les générosités de mon amant gagnèrent l’amitié de ma mère ; elle enferma le loup dans la bergerie, lui donna une chambre dans la maison ; nous vécûmes deux mois ensemble. Le temps d’entrer en campagne étant arrivé, Dupéronville ne pouvait s’arracher de mes bras ; la bonté de mon cœur, mes caresses toujours renaissantes, mon imagination, occupée de lui rendre les plaisirs toujours nouveaux, l’avaient fixé. Pour me ravir aux vœux du clergé, il me proposa de me mener en campagne ; j’acceptai la proposition. Nous partîmes un matin de Saint-Quentin, et nous arrivâmes le même jour à Bouchain.

La femme de l’auberge, voyant descendre un jeune officier et une petite fille mise en simple bourgeoise, demande à mon amant comment il comptait s’arranger pour le coucher. « Dans un lit, lui dit-il. — Avec qui, s’il vous plaît ? — Plaisante question, avec ma femme. — Quoi ! cette petite fille ! — Comment, petite fille, répondis-je à l’hôtesse d’un ton un peu haut, vous êtes une insolente de me traiter de petite fille ; je suis bien pour vous