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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

naturelles que celles qu’on pourrait faire aux lâches soldats du Pape[1]. « Monsieur, me dit-il un peu rudement, pourriez-vous, par hasard, remuer le bras ? — Oui, assurément, lui dis-je. — Bon, bon ; pourriez-vous aussi lever le pied à une certaine hauteur ? — Oui, je trouve cela encore possible. — Eh bien… allons, levez le bras, haussez le pied. » Je fis l’un et l’autre ; les âmes honnêtes ont de la complaisance pour leurs créanciers.

Non content de ces questions, M. Durpetri me fit recommencer et répéter cinq à six fois cet exercice : alors il prit un manche à balai, me fit exécuter toutes les figures d’un homme qui bêche la terre. Satisfait de mes progrès, il me dit : « Bravo, suivez-moi, et je vous donnerai quittance. »

Mon boulanger me conduisit dans son jardin, et, me montrant la terre, il me dit : « Voici une bonne mère, elle nourrit tous ses enfants, caressez-la avec cette bêche, en remuant simplement vos bras, comme vous avez fait avec le manche du balai, le pain ne vous manquera jamais, et de la vie vous ne devrez rien aux boulangers. »

Je travaillai huit jours dans le jardin de M. Durpetri ; le samedi il me rendit le mémoire quittancé, et me crachant tout le latin qu’il avait retenu, il me dit : Disce, puer, virtutem, ex me, verumque laborem.

Cette semaine, occupée si utilement, me donna

  1. J’entends les militaires à la solde de Rome.