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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

heureux. » La fermière m’amena la fille, je fus émue en la voyant ; j’appelai le comte, il parut aussi agité. « D’où êtes-vous ? » dit-il à cette fille. — « De Saint-Quentin. — Ô Ciel ! m’écriai-je, êtes-vous cette Babet confiée au chanoine ?… » Babet, interdite, demanda d’où je la connaissais. « Venez m’embrasser, vous êtes ma fille ; votre figure, votre nom et mon cœur me l’assurent. »

Babet, qui ne concevait rien à nos caresses, n’osait trop se livrer au sentiment qui parlait déjà à son cœur. Le comte s’aperçut de son embarras, lui demanda si elle n’avait point une croix d’or. « Ô ciel ! s’écria-t-elle, j’ai cette croix, on m’a dit qu’elle aurait fait un jour ma fortune ; ma mère m’a bien recommandé de la garder précieusement, malgré ma misère, je l’ai observée ; grand Dieu, se pourrait-il ! ah ! madame, quoi une malheureuse fille… » Babet ne pouvait démêler dans ce moment le trouble qui agitait son cœur, elle remit la croix à son père. Le comte alla chercher le registre d’Ariste et lui montra son article : « J’ai remis à mon ami M…, chanoine de Saint-Quentin, une fille née dans ma cave ; on trouvera cette anecdote signée de mon nom sur un morceau de vélin enchâssé dans une croix d’or que j’ai remise avec l’enfant. »

On brisa la croix, Babet, assurée de sa naissance, se livra à la douceur de retrouver un père et une mère ; sa figure, ses caresses et son esprit flattèrent notre amour-propre : ma fille était de ma taille, je lui fis donner des habits, elle nous parut ravissante