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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

dans votre cœur et sur tous les climats ; aimez tous les hommes ; avant de faire la moindre action, réfléchissez si vous n’attentez pas au droit de personne ; et si quelqu’un vous nuit, soyez plus justes et meilleurs que lui. » Il nous embrassa tendrement, et rendit l’âme l’instant d’après.

Nos larmes ne cessèrent de couler : l’image d’Ariste, ou plutôt son esprit, est toujours avec nous ; nous suivons ses conseils, nous pratiquons l’hospitalité, nous aidons de nos richesses les pauvres de la paroisse et des environs ; nous jouissons innocemment des bienfaits du Créateur ; nous ne faisons aucune mauvaise action ; ni les remords ni le fiel de la superstition ne troublent nos plaisirs, nous les goûtons aussi purs que la nature les a faits. Emilor, que j’appellerai dorénavant le comte de Saint-Albin, s’occupe de l’étude et de la culture de ses terres.

Depuis la mort d’Ariste, nous avions écrit pour nous informer des deux filles confiées à deux de ses amis ; les recherches de notre père et les nôtres furent inutiles ; ce souvenir altérait notre bonheur. Un soir, une jeune fille déguenillée vint demander à coucher à la ferme. La fermière lui trouva des traits si ressemblants aux miens, qu’elle en fut frappée, elle accourut m’annoncer cette nouvelle : « Madame, me dit-elle, voulez-vous que je vous amène une pauvre fille, qui vous ressemble comme deux gouttes d’eau ? — Est-elle dans le besoin, Marguerite ? il faut l’aider, ce château est l’asile des mal-