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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

personne n’y fait attention. Le spectateur rit d’Alceste, sans savoir pourquoi, comme l’on rit à Paris. Molière, dans Le Misanthrope, a peint l’homme tel qu’il doit être, et les gens rient parce qu’ils ne sont point ce qu’ils doivent être. Ce sont des hommes ivres qui se moquent d’un homme sobre.

Quelques jours après, nous suivîmes Emilor à la bibliothèque d’Ariste. En lisant les titres des livres, il portait en deux mots son jugement sur l’auteur et sur l’ouvrage. Nous commençâmes par M. de Voltaire : « Ta nation, dit-il au comte, n’a produit rien de mieux que cet homme ; les charmes de la diction, la beauté des images, la finesse des antithèses, le sel de la fine plaisanterie, tout est divin. Ton Homère, qui a extasié l’antiquité, m’a ennuyé à mourir ; je n’ai lu ni prose, ni vers de ton Voltaire, qui ne m’aient enchanté. Les sots Égyptiens ont dressé de hautes pyramides pour s’immortaliser ; leurs copistes ont fait le Colosse de Rhodes et tes merveilles du monde. Pour élever ces niaiseries il fallait du cuivre, des pierres et des gens pour leur faire perdre leur temps ; ces anciens innocents ont cru étonner la postérité, ils ont réussi à charmer les sots. Voltaire étonnera davantage tes neveux, que ces amas de pierres et de briques.

« Tes Parisiens, que j’aime parce qu’ils sont bons et honnêtes, devraient faire jeter à leurs dépens la statue de ce grand homme leur compatriote, la placer à côté du plus grand de tes rois ; tu m’entends ? c’est sur le Pont-Neuf, vis-à-vis de son héros, que