Page:Dulaurens - Imirce, ou la Fille de la nature, 1922.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

les choses ont nécessairement dans leur naissance, voit aujourd’hui le vrai marcher avec ordre ; l’action du drame se passe sous les yeux, le bon sens la fixe au court espace de vingt-quatre heures, pour resserrer l’intérêt que nous prenons aux malheurs et aux vertus d’un héros qui nous touche.

« Le génie et l’imitation de la belle nature ont formé les règles de ton théâtre, la décence, la fleur de l’esprit, le soutiennent et le décorent ; ailleurs les vraies beautés sont remplacées par des concetti affectés, des pointes surannées, un burlesque trivial, enfants informes d’une joie grossière : chez toi, c’est l’enjouement délicat, la fine plaisanterie, et si quelquefois le persiflage y lance ses traits, ils ne sont point aiguisés par la haine, émoussés par la folie, c’est Momus qui les lâche dans le séjour des dieux. Qui aurait cru que les enfants de la mère sotte, les fils du prince des sots, les neveux des bateleurs, des jongleurs, eussent un jour été les maîtres de la scène ! Que d’obligations n’as-tu pas à Molière ! Il est cent fois plus grand que ton Corneille.

« Les Anglais, encore étrangers dans l’art de Melpomène et de Thalie, trouvent ton théâtre ridicule, à cause que l’amour y donne des lois. Le dieu qui embellit l’univers, peut-il déparer le spectacle ? Est-il étonnant qu’une nation qui n’aime que par consomption, chez laquelle l’amour est une maladie, ne le puisse supporter dans Zaïre ? Des raisons d’humeur ou d’infirmités peuvent-elles te faire