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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

— « Laissons les systèmes, dit Ariste ; que penses-tu du monde où nous végétons ? — Très peu de chose. Ta petite fourmilière ne t’étonnerait pas davantage si tu pouvais aller au haut de ta cave, que la tienne ne m’a étonné quand je t’ai vu. Ton monde dans sa naissance était meilleur qu’il n’est aujourd’hui. Les hommes furent heureux tout le temps qu’ils restèrent dans la simplicité de la nature. Cette mère sage ne leur avait point donné la bienséance, la modestie, ni des fausses idées des choses naturelles ; des fanatiques ont quitté la nature pour chercher des vertus qu’elle n’avait point faites. Ton Paris commence à être habitable depuis que tes philosophes reviennent sur leurs pas ; tu as encore d’anciens cerveaux, des pères et des mères de l’arrière-ban, qui croiraient leurs maisons déshonorées, si leur fille faisait un enfant sans un privilège d’une personne de leur paroisse ; comme si la nature déshonorait les filles en les rendant mères. Comment ces préjugés sont-ils entrés dans l’esprit des hommes ?

« — Mon ami, dit Ariste, dans un état policé il faut fixer l’inconstance des hommes ; si les lois n’enchaînaient pas les passions, on s’égorgerait ; l’ordre, l’image de la divinité, ne serait plus imprimé sur la terre. — Tu plaisantes ! tes législateurs ont cru l’homme méchant, il est naturellement bon, c’est un enfant qu’ils ont garrotté et qui s’efforce de briser ses chaînes en les secouant. La fureur de prévoir les malheurs de si loin a multiplié tes lois,