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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

connais les chevaux ; quand on connaît les chevaux on connaît bien des choses. »

J’étais accouchée d’un garçon, il ne vécut que quelques jours ; depuis ce temps, Ariste ne m’approchait plus, j’étais surprise de sa froideur, je balançai quelques jours de lui en parler ; enfin j’ouvris mon cœur : « L’âge, ma chère Imirce, me dit-il, ne me permet plus de satisfaire tes désirs, la nature t’a donnée à Emilor, je vais lui rendre la liberté, et te remettre dans les bras de celui que ton cœur a choisi ». Je répandis un torrent de larmes, elles s’adoucissaient en tombant dans le sein d’Ariste ; je m’écriai : « Ô mon ami ! ô mon père ! tu m’es plus cher que les plaisirs, je ne connais que ceux que je crois te donner, n’as-tu de la raison que pour m’arracher de ton cœur ? ton âge ne m’effraie point, la chaleur de mes ans te réchauffera, c’est sur mon sein que ta tête précieuse reposera, mes yeux contempleront sans cesse cette face respectable où ton Dieu a peint la bonté ; tes vertus aplaniront tes rides, et plus ton corps sera maltraité par le temps, plus je verrai ton âme. Les charmes qui ravissaient les cœurs dans ton temps, qui les enchaînaient encore dans ton automne, ne la voileront plus, tu n’auras plus que tes appas éternels, ton humanité et tes vertus. »

Le philosophe calma mes douleurs, sa raison porta dans mon âme cette douce consolation que la sagesse seule peut donner. Nous partîmes de bonne heure pour la campagne : j’en avais hâté