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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

À deux pas de l’église, nous rencontrâmes une troupe d’enfants, ils suivaient l’enterrement d’un de leurs camarades. Le frère de la petite défunte sautait de joie et criait : « ma sœur va en paradis ; que je suis aise ! » Il vint dans l’idée d’Ariste de suivre ces enfants, nous rentrâmes dans l’église ; il s’approcha du petit garçon ; c’était le fils de son libraire. Il lui dit : « Vous êtes bien gai, poupon ? — Oui, dit l’enfant, j’ai très raison, on va mettre ma sœur en paradis ; ma chère mère m’a dit qu’elle serait bien heureuse, qu’elle verrait le bon Dieu ; j’aime le bon Dieu, M. le Comte ! — C’est bien fait, mon petit ami, répondit Ariste ; il est digne de votre tendresse. » Comme les enfants de Paris ont de l’esprit ! J’étais enchantée des bonnes idées du poupon : je lui demandai s’il voulait suivre sa sœur au paradis ? — « Oui, Madame, de tout mon cœur ! on va la mettre en paradis tout à l’heure, vous verrez comme cela est beau. »

Les prêtres ayant fini leur cantique, on conduisit le cadavre vers une fosse où on le descendit, on jeta de la terre dessus. L’enfant, frappé de cette cérémonie, se mit à crier : « ô le vilain paradis. Ô dame, dit-il en fuyant, je ne veux point aller en paradis ! comment, le paradis est un vilain trou ! » Ses cris surprirent les assistants. Ariste courut à lui pour le calmer et l’empêcher de crier. Le poupon trop ému lui dit : « Ah ! monsieur, laissez-moi fuir ; que le paradis est affreux ! voyez comme ma chère mère ment ! oh ! ma pauvre sœur, que je te plains ! »