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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

chaque jour par douzaine. « La baronne D… que tu vis hier, trouvant un jour son teint obstiné, en prit une grosse en trente-six heures. — Dans ta cave, je n’ai pas eu besoin de ce remède, la nature t’a-t-elle donné la seringue ? — Non, elle s’est contentée de nous endoctriner par la pratique de la cigogne : quand cet animal est constipé, il est malade ; pour se soulager, il va dans les étangs chercher de l’eau dormante, en avale une certaine quantité, l’échauffe dans son jabot, fourre son long bec à son derrière, et dégorge cette eau chaude dans ses entrailles. — Tes moineaux, tes bœufs, tes moutons font-ils de même ? — Non ; pourquoi veux-tu imiter ce qui n’est peut-être bon qu’à une seule espèce ? » Je ne voulais point de lavement ; Ariste me prit par le faible des femmes, m’assura que mon teint serait plus clair, que mes yeux auraient une expression plus tendre ; c’était la raison pour tuer l’oiseau de Boccace, je consentis que Marthon m’administrât le clystère.

Cette fille sans expérience le donna d’une main pesante ; au moment que je sentis la chaleur du remède, je me retirai, la canule sortit, et tout le composé inonda ma couche ; je sautai du lit toute dégoûtante de cette vilaine drogue ; pestant contre les médecins, les lavements, les seringues ; je ne pris point le remède, et je me trouvai mieux.

L’après-midi je passai dans le cabinet d’Ariste ; je vis un tableau où était peint un grand sauvage avec une longue queue, des cornes à la tête, et des griffes qui paraissaient de très vilaines man-