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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

fouillèrent dans nos malles ; ces hommes n’avaient point de tonnerre ; ils ne demandèrent point d’argent et nous laissèrent passer. Je demandai pourquoi cette bande de voleurs ne nous avait rien pris. « Ce ne sont point des voleurs, mais des coquins que le souverain place aux entrées des villes pour visiter si l’on n’apporte rien contre les ordres de Sa Majesté. — Quels sont ces ordres de Sa Majesté ? — Nous ne mangeons rien, nous ne portons rien qui ne paye au souverain, et cela cinq à six fois dans l’espace de cent lieues. — Mais n’habites-tu point ce petit coin de ta cave appelé le royaume de France ? es-tu étranger dans ton propre pays ? — C’est l’usage, il faut de l’argent. Un Breton n’a pas le droit de porter une chemise neuve de l’Anjou sans payer en entrant quelques sols pour livre et quelques deniers aux fermiers généraux ; s’il fait le tour du royaume avec sa chemise, il paye deux fois sa valeur ; et cela est d’autant plus original que le marchand de toile en a déjà dû payer les droits en faisant entrer ses marchandises. Si ces commis me saisissaient avec une livre de tabac ou quelques onces de sel, Sa Majesté me ferait marquer d’un fer rouge sur les épaules ; je serais déshonoré aux yeux des sots, pour avoir eu dans la poche de quoi saler deux fois mon pot-au-feu : — Va, ta cave et tes maximes sont odieuses. »

Le mouvement de Paris, la hauteur des caves, celles qui roulaient sur la boue m’étonnèrent moins que d’autres caves portées et traînées par des