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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

naires gagés pour tuer nos ennemis, servir la vanité des souverains qui égorgent une partie de l’humanité pour apprendre à l’autre qu’ils ont de l’ambition et le droit naturel d’avoir raison avec des morts. Fais-tu de même avec tes ennemis ? — Je n’ai garde, cette injustice est un avantage réservé aux souverains. — Que sont tes souverains ? — Les images du maître de ma cave. — Ton maître a-t-il aussi des gens soudoyés pour tuer les autres et faire du mal ? — Non, assurément, nous ne le connaissons que par ses bienfaits. — Pourquoi donc ses faibles images font-elles le mal ? ta cave est affreuse d’égorger des gens si gais ! en égorges-tu beaucoup ? — Quelquefois quarante mille dans une heure. — Ô ciel ! que dit le maître de ta cave de cette cruauté ? — Nous avons des gens qui nous obligent de croire, sous peine de damnation, que le maître de notre cave s’est déclaré le Dieu de ceux qui s’égorgent pour quelques arpents de terre. — Ceux qui tiennent ces propos sont apparemment des curés ? as-tu souvent la guerre ? — Assez régulièrement, tous les dix ans. — Pourquoi ces grands garçons vont-ils s’exposer à la puanteur ? — Ils aiment les filles, ils n’ont point d’argent, et, pour avoir dix écus, ils s’engagent pour sept ans (c’est toujours pour douze) de tuer les autres ou de se faire tuer. — S’ils quittaient ce métier de bourreau, ne feraient-ils pas mieux ? — Ils n’oseraient, on leur donnerait ce que tu appelles la puanteur ? — Oh ! pour le coup, vous êtes des monstres, des