Page:Dulaurens - Imirce, ou la Fille de la nature, 1922.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
86
IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

a volé un diamant au curé de Liège ; voilà qui est de bonne prise… Ariste, comment gouvernes-tu cette petite personne ? Elle vient, dit-on, des terres australes ? Ce pays n’est-il point situé du côté du carnaval de Venise, ou dans un royaume du Prêtre-Jean ? Je me ferais volontiers tonsurer pour être souverain d’un État, où il y a de si jolies filles. — Mademoiselle, me dit-il, en se tournant vers moi, avez-vous vu la cour du Prêtre-Jean ! Sa calotte, comment est-elle ? Sa Majesté Madame la Prêtresse-Jeanne est-elle bien ? Porte-t-elle la soutane et la tonsure comme son mari ?… Nos modes percent-elles dans ce pays-là ? Ah ! je le crois… nous avons un goût divin… nos cuisiniers, comme dit l’auteur Bleu, font des fricassées de chérubins où il n’y a que des ailes et des têtes. » Je ne répondis rien à ce charmant monsieur ; il crut sans doute qu’il avait eu une conversation avec moi.

Un autre, avec une physionomie plus lettrée, me demanda si je connaissais les journaux et le frère Berthier : « Ils font fortune, me dit-il, et prennent comme on ne prend point. Le joli abbé de la Poste écrit comme un astre… que dit-on de Fréron dans vos terres australes ? Le Connaissez-vous ? — Oui, monsieur. — L’aimez-vous ? — Non, je le déteste. — Et sa voix ? — Encore davantage, elle m’écorche les oreilles. — Vous êtes, mademoiselle, d’un véritable bon goût, vous plairez à Paris. — Eh ! monsieur, comment ne pas le trouver effroyable ? Ses grandes oreilles, son épaisseur, ses cris… — Oh ! le