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propreté scrupuleuse ; mais les Russes, découragés, rendaient leurs soins souvent inefficaces.

Un jour d’octobre deux fantassins français lui amenèrent — près des planches hérissées de fil de fer, — un géant dont les yeux étaient injectés de sang, la face terreuse et qui se plaignait, dans un baragouin pittoresque, de maux de tête et de maux de reins. Le hasard d’un de ses gestes découvrit ses poignets, et des taches retinrent l’attention de la doctoresse. Elle le questionna et apprit qu’il avait une éruption semblable et très forte dans le dos. Le diagnostic était indubitable. La couleur spéciale des plaques ne laissait aucun doute sur le mal ; c’était le typhus exanthématique. Elle renvoya l’homme en lui enjoignant la diète et des lotions froides, mais elle prévint les Français du danger de ce voisinage.

Quelques jours plus tard une véritable épidémie de ce terrible fléau sévissait sur tout le camp. Jeanne Deckes se multiplia auprès des malades, et, dans une de ses tournées dans les baraques 60 et 65, elle eut la joie de rencontrer un de ses anciens camarades d’externat. Ils avaient passé leurs examens le même jour et fêté leur doctorat dans le même banquet. Lui avait été fait prisonnier dans la Somme, et il était précisément question de le rapatrier en même temps que quelques otages civils. En attendant les décisions de la kommandantur, il essayait de sauver ses compatriotes, et réussissait parfois à faire avorter le fléau.