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Dès lors Jeanne Deckes vit tourner autour de son lit toutes les infirmières de la maison ; elles venaient surtout aux heures du bain, contemplaient le petit cherchaient en vain un indice de son origine ; et quand on rendait l’enfant à la mère il y avait de la haine dans tous les regards. Au bout de quinze jours, on prévint la doctoresse qu’on allait la renvoyer au camp, et elle prépara son menu paquet de langes et d’objets. Elle s’en allait, son bébé dans les bras, quand la grosse commère l’entraîna dans une petite pièce vide.

— Madame, je dois vous prévenir. Si… Christian… est le fruit de… comment dirais-je… d’une faveur allemande, dites-le moi et vous jouirez de soins spéciaux. Si vous voulez même vous éviter les charges de son entretien, vous pouvez l’abandonner… on vous donnera une prime. Car nous connaissons toute la valeur de la houille rouge, et nous sommes assez riches pour la payer.

Jeanne Deckes sourit d’un sourire qui bravait tous les pièges, et répondit :

— Christian est Français, puisque je suis Française. Hélas ! il est un prisonnier déjà… mais il n’est pas encore un vaincu.

— Prenez garde Madame, votre orgueil finira par nous agacer. Nous sommes les plus forts et s’il nous plaît de l’avoir ce petit soldat de demain, nous l’aurons, comme nous avons les milliers de soldats d’aujourd’hui !