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de la nouvelle accouchée. Elle tenait entre ses doigts boudinés un gros livre et un stylo.

— Pour la loi ! dit-elle. Comment allez-vous l’appeler ?

Jeanne Deckes n’ayant pas aimé le petit pendant sa grossesse, n’avait pas éprouvé le besoin de le désigner par un mot. Il n’y avait pas eu, entre la mère et l’étranger, de ces dialogues de rêve qui se traduisent par une recherche de syllabes caressantes à l’oreille et qui sera le prénom du désiré.

— C’est vrai… il lui faut un nom… Eh bien ! inscrivez-le sous celui de… Christian !

— Christian ?… Et après ? Fils de…

— Jeanne Deckes.

— Et de ?…

— C’est tout !

— Une fille-mère ? À votre âge ?

Cette pudeur de matrone grasse fut comique. Les bajoues s’indignèrent en gonflant et en dégonflant le triple menton d’une cinquantaine adipeuse.

— Ces Françaises ! laissa-t-elle tomber… Toutes dévergondées !

Mais elle réfléchit. Une femme instruite, savante, et d’un âge marqué, n’aurait pas désorganisé sa vie pour une fantaisie ; il y avait autre chose.

— Votre mari ? insista la directrice de la clinique.

— Je n’en ai pas !

— Alors… votre amant… fera-t-il son devoir ?