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— Fort bien. Mais on ne les casse pas tous ; il en est que des poules couvent.

— C’est quelquefois vrai, mais il me semble que pour la plupart ils se laissent brouiller avec des pointes d’asperges.

— Ceux qui sont couvés subissent un trouble, une décomposition, d’où sort un être que nul ne voit encore, et qui, pourtant, grandit. Un jour le poussin est enclos dans la coque avec tous ses organes ; et certainement alors, il doit entendre déjà les bruits du monde où il va faire son apparition. Quand l’heure vient où ce monde l’attire, il perce sa coquille, perçoit des sensations nouvelles au contact de l’air ; sa tête émerge, ses ailes s’éploient et il sort enfin abandonnant avec dédain son berceau vide et brisé.

— Jusqu’à présent je crois comprendre.

— Les hommes sont couvés par la vie ; et l’âme qu’ils doivent devenir un jour grandit lentement en eux. La mort vient libérer l’être futur, et le mystère de l’au-delà ne peut pas plus livrer son secret à notre humanité, qu’un poussin ne peut faire entendre à un œuf quelle pourrait être sa destinée.

— Le dialogue serait difficile en effet.

— La religion — quel que soit le nom qu’elle porte — fait l’office de S. F. ; elle établit une liaison, et les âmes prennent conscience d’elles-mêmes, avant leur sortie de l’œuf.

— L’œuf, étant le corps, vous entendez par là que