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plaida la vieille. Vous ne lui ferez aucun mal au moins ?

— Oh !… non ! mais quant à l’aimer !…

— Qui sait !

— Taisez-vous, ce serait la pire humiliation.

Elle arriva deux jours plus tard à Ostel et continua, — par ordre, — ses soins à l’effrontée pilleuse. Elle eût tôt fait de trouver des civils malheureux et de porter chez tous les bienfaits de sa science et de sa bonté. Il y avait quinze jours qu’elle habitait sa nouvelle résidence quand elle entendit parler de « La Folle » pour la première fois. Elle s’enquit de cette personnalité populaire.

— La folle, lui dit-on, c’est une dame de la Croix Rouge qui a perdu la raison depuis la guerre. On ne sait pas d’où elle est venue. Seulement, les Allemands la respectent à cause de certains mots qu’elle prononce, et les Français la nourrissent par solidarité. Par exemple, on ne peut pas la décider à s’habiller proprement. Depuis son arrivée dans le pays, elle traîne une jupe blanche en loques, couvre ses cheveux gris d’un voile en chiffon, mais se drape encore avec beaucoup de dignité dans la cape sombre de l’uniforme vénéré.

— Où loge-t-elle ?

— Dans un hangar. Elle ne veut pas d’une chambre, parce qu’elle sort beaucoup la nuit. Si le canon tonne, elle s’en va, revient un peu plus sordide, mange, et disparaît encore. Le maire et le curé ont