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quand hélas ! paraissait à travers les branches l’uni­forme détesté, il semblait au contraire que cette partie de France fût à jamais asservie.

L’infinie tristesse des envahis s’égaya des lilas et des primevères, parce que les enfants coururent à travers bois et rentrèrent le sarreau plein de corolles.

Les mères souriaient un instant, et bien vite por­taient tous les pétales et tous les parfums, à l’autel de famille composé des photographies des fils et du mari. Quel sort était celui de ces derniers ? Toutes les femmes gardaient au fond de leur regard l’an­goisse de ce point d’interrogation ; et leurs masques s’affaissaient en des rictus de désespoir. L’échec des Français — aggravé par la crue de l’Aisne — avait été démesurément grossi par les Allemands ; mais la confiance restait inébranlable ; on attendait les efforts de l’armée. Certainement qu’une fois la terre raffermie, les hommes pourraient se battre. On vivait de cet espoir, quand une après-midi, vers deux heures, un officier vint supplier madame de l’Écluse de venir au château.

— Madame, vous êtes Française et par consé­quent généreuse, dit-il. Un accident est arrivé. Le commandant est tombé sur un paquet de couteaux de tranchées qu’on lui avait apportés comme échan­tillon. Il s’est tranché le poignet et nous ne parve­nons pas à arrêter le sang. En votre qualité de dame de la Croix-Rouge, venez à notre aide ; on est allé