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apprend à faire à Paris. D’une part, une robe quelconque, d’autre part, un brise-bise banal et une fleur dans un vase. Je vous demande une minute et demie.

Comme si Madame de l’Écluse eut été le dernier des mannequins, il la fit pirouetter, prit les ciseaux qu’on lui apportait et, vivement, se mit en devoir d’échancrer largement le corsage qu’elle portait. Il allait d’un tel entrain que la peur d’être blessée empêcha la patiente de bouger. Puis, il arracha le vitrage, trancha le tulle et, en un clin d’œil en fit un colifichet gracieusement drapé d’ailleurs. Une fleur compléta la métamorphose. Très fier, il quêta les applaudissements ; on ne les lui ménagea pas.

— Ne m’obligez plus à recommencer, daigna-t-il concéder à la malheureuse femme, tout en passant dans la salle à manger.

Pendant tout le repas, l’infortunée baronne souffrit mort et passion. Il ne lui fut épargné aucune cruauté. Complaisamment, l’ancien couturier racontait ses exploits d’antan.

— Vous comprenez, Messieurs, dit-il, qu’avant d’attaquer un ennemi la prudence la plus élémentaire commande de l’affaiblir par tous les moyens. Notre génial empereur — il y a vingt ans — s’avisa de trouver que les Françaises malgré leur buste en vase de fleur, avaient encore le droit d’étaler leurs hanches. Cela laissait place aux lois de la fécondité, dont il cherchait surtout à limiter l’action. C’est