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— Vive la France ! lança madame de l’Écluse, magnifique d’audace en brisant sa coupe.

Lentement et à reculons, elle gagna la porte. Là, très calme en apparence, mais farouche et fière, elle laissa tomber :

— Mufles !

Elle entendit — de l’escalier — le rire vexé du soudard et aussi la phrase inquiétante qu’il répéta plusieurs fois :

— Laissez-moi faire… elle me le paiera…

Arrivée dans sa chambre, elle la trouva transformée. Des uniformes s’étalaient sur le lit ; une pipe inclinait son fourneau sur les dentelles de sa coiffeuse, et, dans le cabinet de toilette, un bavarois débalait un nécessaire. Elle s’enfuit. Dans chaque chambre, elle trouva des traces de prise de possession, et, vaincue, elle grimpa vers les mansardes de service. De là encore, elle fut chassée par la présence de fourniments de campagne.

Exaspérée par tant de sans-gêne, elle bondit au salon. Les trois officiers se congestionnaient sur des cartes d’Etat-Major et d’autres militaires s’étaient joints à eux.

— Messieurs, fit-elle avec hauteur, on a pris toutes les pièces de mon château, et vous me retenez prisonnière ; où me faudra-t-il donc coucher ?

— C’est vrai… répondit le commandant. Récapitulons… Mes autos ont besoin du garage, il y a deux chevaux à l’écurie mais vous m’avez bien dit,