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dant allait passer devant la châtelaine quand il ordonna :

— Une révérence s’il vous plaît ? Une révérence, sacrebleu !

Mais il éclata de rire, tant la figure de son hôtesse marquait d’ahurissement.

— Eh oui ! c’est moi ! Quelle rencontre, hein ? Je ne m’attendais pas au plaisir de vous avoir enfin sous ma coupe. On va s’amuser un peu, Messieurs ! J’ai faim ! que l’on serve au plus tôt.

Immobile et pâle de rage, Mme Breton de l’Écluse s’accrochait à la rampe de fer forgé, y cassant ses beaux ongles polis. Prise d’une peur subite, elle se mit à courir, tout à coup vers la route. Un coup de sifflet retentit, et, — quand elle arriva essoufflée près du portail, — des Allemands la saisirent et la ramenèrent au logis.

— Que signifient ces manières ? Vous resterez ici pour me servir, Madame. C’est bien votre tour. À table ! Mettez-vous en face de moi et pas de « chichis » n’est-ce pas ! Car il faut vous dire, Messieurs, que la baronne — dont les parchemins sont illusoires — était la plus horripilante de mes clientes.

— Oui, expliqua Mme de l’Écluse avec hauteur, Fritz était mon essayeur chez Nadoff.

— Et Fritz… c’est moi, reprit fièrement le commandant.

Les deux officiers d’ordonnance le saluèrent très bas.