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C’était le deux août. La mobilisation était affichée depuis quelques heures ; et, sur les murs de toutes les mairies de France, un peu de papier barré de quelques lignes noires portait comme un chevron la bande oblique des trois couleurs. Ce bleu, ce blanc et ce rouge avaient une puissance dramatique que le drapeau n’aurait pu atteindre ; cela ne flottait pas, ne bougeait pas, c’était impassible et beau comme le Devoir. Tous les hommes, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, s’arrêtaient un instant, lisaient en silence, et très calmes, regagnaient leur foyer. Seuls des bambins, que l’instinct rendait tristes et graves, restaient immobiles au pied du mur. Ils ponctuaient de leurs regards apeurés, et de leurs faiblesses pâlottes la mission de protection qui incombait aux adultes.

Les femmes, suivant leur âge, eurent toutes le geste animal. Sans cris ni pleurs d’abord, elles rentrèrent au gîte pour retrouver leurs maris ou leurs fils ; là, leurs yeux s’emplirent de la douceur des traits chéris en une rasade ultime de tendresse. Puis le sanglot des vieilles éclata en sourdine ; ce furent les grand mères qui pleurèrent les premières. Les mères ! la bouche tordue dans des faces crispées, maudissaient ou priaient. Toutes les traditions cornéliennes bourdonnaient en leur mémoire, et, pour distraire leur désespoir, elles s’affairaient en de puériles précautions, tandis que leur esprit criait :