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BALLADES

DES AUTHENTIQUES COURTISANES


I


Dans les reflets flamboyants et les ors
Fauves et dans les moroses teintures,
Dans les ombres, dans les mouvants trésors
Des glauques bleus, des vertes arcatures,
Dans le noir ruissellement des ceintures.
Dans les perles et les magiques flots
Des robes et l’insaisissable los
Où passe sa pallide girandole,
Ô corps subtil, dans les ors tu éclos
En une immuable douceur d’idole.

Tes yeux sans feux, sans rêves, sans essors.
Tes grands yeux vierges de maculatures,
Tes fixes yeux inconscients des sorts
Où roulent les consciences futures,
Tes yeux infaillibles dans les tortures,
Tes yeux, distraits et languides falots,
Tes yeux sont, dans un vague de complots,
Gardés par l’intime froid qui les dole
Éternellement de tous javelots
En une immuable douceur d’idole.