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IV


En songeant à Baudelaire.

Il est des lits charmants où l’enfance dort,
De blancs lits qu’abritent des ailes sereines,
D’autres où cent rêves hautains tour à tour s’égrènent ;
Il est des lits que frôle le souffle glacé du nord,

Quand le vieillard se couche en écoutant venir la mort ;
Voici celui où l’ouvrier oublie ses peines ;
Et puis voici les chastes lits des épouses chrétiennes,
Lits de noces virginales ou lits de noces d’or.

Mais dans ton lit d’amour, maîtresse ardente, maîtresse tendre.
Quand, fou de tes lèvres, ivre de tes yeux, je vais m’étendre,
Ma pensée bien ailleurs parfois s’égare ; oui, parfois

Je me prends à songer qu’il est des lits d’horreur et de délire
Et de souffrance telle, hélas ! que les chairs aux abois
Y pantèlent, que les cœurs s’y consument et que les âmes s’y déchirent.