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les premiers poètes du vers libre

il suivait ma Revue Wagnérienne ; van Santen Kolff nous réunit.

Deux jeunes Français qui se rencontrent à Berlin, même flanqués d’un Polonais, d’un Anglais et d’un Hollandais, et qui sympathisent, ne se quittent plus que pour aller se coucher, et très tard ; nous vécûmes ensemble pendant les quelques jours que je restai dans la ville, le service de l’impératrice n’étant pas très absorbant, et, bien entendu, nous causâmes surtout littérature. Laforgue me raconta ses idées et ses projets ; je lui racontai les miens. Or, voici mon témoignage : le vers libre était pour lui à cette époque une chose acquise.

Comment y était-il arrivé ?

L’impression un peu lointaine de nos conversations se corrobore là-dessus par celle très nette que m’ont toujours donnée ses poèmes ; ce n’est pas par une recherche du rythme, ce n’est pas pour mieux se réaliser en musique ou en plastique que Laforgue est arrivé au vers libre, mais pour serrer de plus près, pour entourer plus délicieusement sa pensée (j’emprunte ces expressions à Albert Mockel, avec qui je suis ici entièrement d’accord).

Laforgue n’aurait donc suivi aucunement le chemin qui a été celui de Rimbaud et de Gustave Kahn, et qui devait être à peu près celui des autres premiers vers-libristes ; et c’est une des rai-