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les premiers poètes du vers libre

Complaintes et l’Imitation de Notre-Dame-la-Lune sont, comme tout le monde le sait, en vers libérés ; les Fleurs de bonne volonté l’étaient pareillement ; or, le Concile féerique est resté, lui aussi, en vers libérés, et les Derniers Vers sont en vers libres. L’évolution s’est donc réalisée pendant le printemps 1886, le Concile Féerique ayant paru dans la Vogue en juillet de cette année et les premiers vers libres (voir notre tableau chronologique) cinq semaines plus tard ; mais cette évolution, elle était déjà virtuellement acquise à la fin de mars de la même année, et là-dessus je puis apporter mon témoignage personnel.

C’est, en effet, à cette date que j’ai fait la connaissance de Laforgue, et cela dans des circonstances assez particulières pour que je sois sûr de mes souvenirs. On sait qu’à ce moment Laforgue était lecteur de l’impératrice d’Allemagne Augusta ; il habitait à Berlin. J’arrivai dans cette ville au cours d’un voyage wagnérien, en compagnie de Teodor de Wyzewa et de Houston Stewart Chamberlain ; je vérifie la date dans les lettres que j’ai conservées de cette époque ; c’était les derniers jours du mois de mars. Je connaissais à Berlin un autre wagnérien, le Hollandais van Santen Kolff, qui lui-même était en relations avec Laforgue ; Laforgue et moi, nous ne nous connaissions que de nom ; j’avais lu ses deux livres de vers ;