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les premiers poètes du vers libre

À première vue, la tentative de Dumur semble consister en une adaptation de la métrique latine à la poésie française ; ainsi présentée, l’idée peut paraître arbitraire ; les formes poétiques, nous ne nous lasserons pas de le répéter, ne sont pas le produit de volontés individuelles, mais d’évolution collectives. En réalité, la tentative de Dumur est fondée sur la conception du pied rythmique déterminée par l’accentuation des syllabes et non pas sur leur numération, ce qui est la formule même du vers libre.

Il existe pourtant d’importantes nuances entre la conception de Dumur et celle qui a été adoptée par la majorité des vers-libristes. Le pied rythmique, pour Dumur, ne consiste pas dans un mot ou un groupe de mots portant un accent principal avec possibilité d’un ou plusieurs demi-accents ; il consiste en un groupe de syllabes dont l’une est accentuée. Dumur n’a donc aucun égard à la signification, c’est-à-dire à ce minimum d’arrêt du sens et de la voix qui, à mon avis du moins, et à l’avis d’André Spire, est essentiel[1].

  1. Pour Dumur, le mot « métamorphose », par exemple, formerait deux pieds ; il n’en forme qu’un pour nous.
    À plus forte raison, Dumur scanderait-il en cinq pieds le vers de Hugo :
    Que peu — de temps — suffit — pour changer — toutes choses.
    Tandis que nous scandons, ce qui est certainement plus musical :
    Que peu de temps — suffit…