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les premiers poètes du vers libre


là-dessus bien des histoires, et beaucoup de noms ont été mis en avant. Nous disions plus haut que l’invention avait été revendiquée par Marie Krysinska. On connaît la lapidaire formule de Marinetti : « Verso libro creato in Francia da Gustavo Kahn. » D’autres ont nommé Laforgue, qui l’aurait enseigné à Gustave Kahn. D’autres ont parlé de Moréas, et c’est à son sujet que les anecdotes vont bon train. J’en citerai trois, qui seront, si l’on veut, notre récréation d’un moment.

Voici ce que m’écrivait, le 4 octobre 1920, un des poètes à qui j’avais demandé des renseignements :

Quant à la priorité du vers libre, je me rappelle que Moréas me raconta ceci : il avait remis à Kahn pour la Vogue un poème en vers libres. Je crois que c’était le Chevalier aux blanches armes. Kahn aurait ajourné le poème de Moréas et se serait empressé d’en fabriquer un lui-même et de le publier, afin de s’assurer la priorité. C’est ce que racontait Moréas ; bien entendu, je ne garantis rien.

Tout invraisemblable qu’elle soit, l’allégation de Moréas indique un état d’esprit que confirme le passage suivant d’une lettre d’un autre de nos amis, 20 août 1920 :

Moréas et Kahn s’observaient et chacun des deux, au café, avait son poème en vers libres dans sa poche, prêt à le sortir comme une arme pour le mettre sous