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les premiers poètes du vers libre

Il ne suffit pas, madame, pour faire des vers libres, de passer à la ligne à chaque membre de phrase.

Quoi qu’il en soit de cette petite tricherie, on peut à la rigueur reconnaître dans cette pièce une certaine tendance vers le vers libre ; mais je pense que personne n’y verra rien de plus qu’une tendance… Quant aux autres pièces, il n’y a même pas tendance ; je citerai le commencement de celle à laquelle Gustave Kahn fait allusion, le Hibou, que je copie dans la Vie Moderne, 1883 :

Il agonise, l’oiseau crucifié, l’oiseau crucifié sur la porte.

Ses ailes ouvertes sont clouées, et de ses blessures de grandes perles de sang tombent lentement comme des larmes.

Il agonise, l’oiseau crucifié !

Un paysan à l’œil gai l’a pris ce matin, tout effaré de soleil cruel, et l’a cloué sur sa porte.

Il agonise, l’oiseau crucifié !


On voit qu’il ne s’agit que de poème en prose, et point révolutionnaire ! Il nous semble tout à fait impossible d’accorder à Marie Krysinska aucune place dans l’instauration du vers libre, et cette digression nous aura permis de débarrasser le terrain sur lequel nous allons entrer tout à l’heure, tout en précisant la différence qui distingue le vers libre et le poème en prose.

Il y aurait également lieu de comparer le vers libre à une autre forme, le verset, qui est apparue un peu plus tard. À première vue, le verset semble