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fiacre pour rentrer chez soi… Mais, sacrédié, qu’elle est longue ce soir ! c’est impatientant. Je vais frapper à la porte. Non, je ne peux pas. Oh, quelle patience faut ! Je crois que je l’entends. D’ici on ne peut rien entendre dans la chambre. Si ; elle ouvre la porte ; enfin !…

— « Eh bien » elle « que faites-vous là ? vous vous ennuyez beaucoup ? »

Dans un long peignoir flottant, blanc de crème, légèrement serré à la taille, toute blanche dans les blancs crémeux plis flottants, elle se tient.

— « Je puis entrer ? »

— « Entrez. »

Au près de la cheminée, dans le fauteuil bas elle va s’étendre ; sur une chaise, des jupons blancs ; à côté, pendante, la robe noire ; le feu de la cheminée est presque éteint ; une chaleur égale, tiède ; contre la fenêtre voilà mon chapeau et mon par-dessus ; je prends une chaise basse, et près Léa je vais m’asseoir ; dans le fauteuil elle est étendue, mains allongées ; dans le fauteuil bleu à la bande large brodée, elle blanche, aux joues rosées. Appuyée à l’armoire-à-glace est une petite table en peluche, et, dessus, vingt menues choses, boîtes, objets d’ivoire, ciseaux, vagues choses dans la lumière très blanche de la chambre. Nous sommes assis, parmi le calme tiède et silencieux de la chambre, elle près moi, blanche, étendue.

— « Vous ne m’avez pas conté ce que vous avez fait tantôt, quand vous m’avez quittée. »

Elle me parle ; je lui réponds.

— « Oh, rien, absolument. »

Qu’elle est jolie ce soir !

— « Vous avez au moins dîné et vous êtes allé chez vous ? »

— « Vous voulez savoir exactement ce que j’ai fait ? »

— « Oui, contez-le moi. »