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chant… … le calme d’une voix qui naît, sous un paysage calme, dans un calme cœur amoureux, et le désir très contenu d’une naissante voix ; et la voix répondante, équivalente et plus haute, ascendante, calme et tenue, ascendante en le désir ; et encore elle qui s’élève ; la croissance du désir ; sous le toujours naïf site et dans ces naïfs cœurs, l’ascendance monotone, alternée, calme, d’un très doux angoissement ; le simple doux chant qui s’enfle, et le simple rhythme ; entre les feuillages frais, parmi la sourdine des bruits quelconques, voix grêle, s’enfle le chant criard et doux, la monotone litanie, le fixe rhythme des lentes danses ; et surgit l’amour… dans les champs purs, plus que je ne les aime, les champs, je t’aime, amie ; voici les beaux champs pâles et les disséminés errants troupeaux ; plus je t’aime ; ils sont beaux, les troupeaux, dans les feuillages frais, quand ils bêlent, les troupeaux et les troupes des bêtes chères ; plus je t’aime ; ils sont chers, mes champs rêvés ; mais plus je t’aime, mon amie, en tes yeux clairs ; les lignes des lumières vont s’allongeant, les troncs des arbres ; plus je t’aime en tes chansons ; c’est des rivières avec des ombres, un ciel de soir, des bruits lointains ; et la voix pleurante est plus lointaine ; s’éloigne la voix simple et le rhythme ; s’efface le chant religieux ; des chants pourtant, des chants encore, et plus je t’aime… des paysages frais et nocturnes, les arbres successivement rangés, et les pas des passants ; à l’entour, des roulements ; des paroles, des teintes énombrées, un air tiède, plus frais ; dans le bois qui longe les monts j’irai, près les prairies, sous les sapins, en l’été ; ce sera la très précieuse chaleur des nuits aimées ; nous serons tous en ces pays ; oh l’admirable temps, loin de Paris, durant ces semaines nombreuses ! et quand ces jours ?… les bruits se font plus forts ; c’est la place ; dépêchons ; sans cesse, des longs murs tristes ;