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avec monsieur Prince, l’attendra à sept heures. »

Oh, tout une lettre, celle d’il y a huit jours, la lettre des bijoux.

« Cher ami,

» Il faut absolument que vous me donniez deux cents francs pour sauver mes bijoux, du moins les reconnaissances qui sont engagées dans un bureau pour cette somme. Si vous êtes assez bon pour m’obliger de cela, vous ferez grand plaisir à votre petite amie Léa qui serait désolée de voir tous ces pauvres bijoux vendus. C’est après-demain mardi qu’on les vend définitivement si la somme n’est remise au bureau ; je reçois l’avertissement à l’instant. Soyez bon et je serai de plus en plus gentille pour mon seul vrai ami que j’aime bien. Marie ira demain vers onze heures savoir votre décision. »

C’était ennuyeux ; les bijoux n’étaient engagés que pour cent vingt francs, et il y avait encore quinze jours de délai ; je lui ai payé ses cent vingt francs ; depuis lors elle ne m’a rien demandé ; voilà déjà huit jours ; oh, elle va avoir besoin de quelque chose ; il ne faudrait pourtant pas qu’elle me demandât trop ; cela commence à être lourd, tout cet argent.

« Cher ami, j’ai su en rentrant .......... »

C’est sa dernière lettre, avant-hier.

« … j’ai su en rentrant que vous étiez venu pour me voir ; mais je n’ai pas eu le bonheur de me trouver là. Pour être plus sûr de me voir venez demain dimanche à une heure ou une heure et demie ; je serai chez moi. À demain et bien à vous.

« Léa. »

En effet, j’ai été la voir hier à une heure ; elle a été tout gracieuse, tout souriante, câline même ; et moi, qu’est-ce, diable, qui m’a pris ? un moment, entre mes bras je l’ai serrée trop, trop passionnément ; elle m’a