Page:Dujardin - Les Lauriers sont coupés, 1887, RI.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas tout de suite. Dois-je compter oui ou non sur votre bon vouloir ? Si, comme je le pense, vous m’avez tenu parole, remettez à Louise ce que vous m’auriez remis à moi-même et dimanche à une heure je vous en remercierai. »

Cette incompréhensible fille me manque parce qu’elle croit que je ne lui donnerai rien, et elle veut que je donne quelque chose à sa femme-de-chambre. Rangeons bien à leur place ces lettres.

« Vendredi 18 : — Neuf heures… Léa a dû dîner en ville… lettre pour moi .......... »

Celle-là.

« … je refuse tout argent ; supplications de Louise, promesses ; Louise me prie que je pense au moins à elle ; elle a sa fille en nourrice à Auteuil et elle attend ses gages pour payer la pension en retard ; elle me conte que Léa est malheureuse. Je déclare nettement que Léa se moque de moi, que je ne donnerai plus un sou avant qu’elle n’ait tenu sa parole. Je pars en laissant vingt francs à Louise. »

Et là s’arrêtent mes procès-verbaux ; quel dommage ; je n’ai que le commencement de l’histoire. Le lendemain, le samedi ? le lendemain samedi Léa s’est décidée à m’accorder ses faveurs ; un après-midi, je me rappelle, une belle journée de soleil ; je lui ai donné les deux cents francs dont elle avait besoin ; ce faisait une somme assez ronde pour un baiser ; c’est le diable aussi, quand une fois on est pris dans la chaîne, que couper court ; et puis, recommencer avec une autre femme la même série, éternellement ; il fallait aboutir de celle-là ; on s’obstine ; j’ai bien fait. Elle avait pris le soin de fermer à clé la porte du salon ; j’avais juste deux cent cinq francs ; le soir je lui ai envoyé des roses ; j’ai été alors pour la première fois chez Hanser-Harduin ; ils ont une vendeuse bien jolie, à l’air exquisément de se moquer du