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« Travaillez. Ecrivez ; faites des élèves. Transmettez ce que vous avez reçu ; transmettez ce que vous aurez acquis. Enrichissez l’héritage.

« Ne vous découragez pas. Ils ont beau faire ; l’héritage ne diminue pas ; l’héritage augmente. Tandis qu’ils détruisent, voilà votre tâche, conserver et construire. Ne vous découragez pas ; vous êtes plus fort qu’eux.

« Ce qui est mauvais périt ; ce qui est bon ne périt pas. Quoi que vous voyiez, ne vous découragez pas.

« Savez-vous ce qu’ils viennent de faire encore à Israël ? on ne vous l’a peut-être pas dit ? vous n’aurez pas accepté de le croire ?

« Un soir, au son du tambour, on a annoncé à un demi-million de Juifs qu’il fallait quitter leurs villes, tous et tout de suite, avant l’aube.

« Pas de rémission ; ceux qu’on retrouvera demain seront éventrés ; et en avant ! sous le plat des sabres ou sous la crosse des fusils et sous l’insulte, et sous le knout, les enfants, les femmes, les vieux ! derrière eux, c’est le pillage de leurs pauvres maisons abandonnées, et l’incendie.

« Ainsi fit Nabuchodonosor, roi de Babylone, vous vous en souvenez.

« Mais Nabuchodonosor déportait des ennemis ; ils déportent leurs sujets. Nabuchodonosor déportait des révoltés ; ils déportent des genoux suppliants.

« Nabuchodonosor se glorifiait ; eux, leur cœur tremble, et leurs lèvres calomnient pour se justifier.

« Ils disent que nous les avons trahis. Qui a trahi ? est-ce nous, ou leurs ministres, ou leurs généraux, ou leurs bureaucrates, ceux-là mêmes qu’eux-mêmes ils ont pendus à l’arbre ?

« Savez-vous ce que fut la caravane ? des wagons à bestiaux ; pas même en nombre suffisant ; eh bien, on ira sur ses jambes ; et il y a des femmes avec l’enfant au sein, des infirmes, des blessés de leurs propres régiments.

« Quiconque apporte un secours, les gendarmes rient, et ils le